samedi 16 février 2008

Lors du dîner annuel du CRIF, Sarkozy persiste et signe dans le mensonge et la provocation, Robert Duguet


Le curé et l’instituteur

Ce qu’il prétend avoir dit (discours du CRIF) :"Jamais je n’ai dit que l’instituteur était inférieur au curé, au rabbin ou à l’imam pour transmettre des valeurs"…. "ce dont ils témoignent n’est tout simplement pas la même chose". L’instituteur "témoigne d’une morale laïque, faite d’honnêteté, de tolérance, de respect". Le curé, le rabbin et l’imam "témoigne d’une transcendance dont la crédibilité est d’autant plus forte qu’elle se décline dans une certaine radicalité de vie".
Ce qu’il a réellement dit dans son discours de Latran, version disponible sur le site de l’Elysée :
« Dans la transmission des valeurs et dans l‘apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l‘instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s‘il est important qu‘il s‘en approche, parce qu‘il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d‘un engagement porté par l‘espérance. »
La morale publique et la morale religieuse

"Jamais je n’ai dit que la morale laïque était inférieure à la morale religieuse". "Ma conviction est qu’elles sont complémentaires et que, quand il est difficile de discerner le bien du mal, ce qui somme toute n’est pas si fréquent, il est bon de s’inspirer de l’une comme de l’autre."
(Discours au CRIF)
Ce qu’il a dit à Latran :
« S’il existe incontestablement une morale humaine indépendante de la morale religieuse, la République a intérêt à ce qu’il existe aussi une réflexion morale inspirée de convictions religieuses. D’abord parce que la morale laïque risque toujours de s’épuiser ou de se changer en fanatisme quand elle n’est pas adossée à une espérance qui comble l’aspiration à l’infini. Ensuite parce qu’une morale dépourvue de liens avec la transcendance est davantage exposée aux contingences historiques et finalement à la facilité. »

Une laïcité de chanoine, Caroline Fourest

La laïcité à la française vit-elle ses dernières heures ? « La société a changé », nous dit Michèle Alliot-Marie. La loi de 1905 est censée suivre. Elle nous annonce une modification, non pas de sa lettre, mais de son esprit, par circulaire ou par décret. Encouragé par de tels propos, le recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, demande carrément un « moratoire ».

Personne ne peut prétendre être surpris. Nicolas Sarkozy l'avait promis, et même écrit en 2004 dans La République, les religions et l'espérance : un livre de combat contre une conception stricte et ambitieuse de la laïcité à la française, qualifiée de « sectaire ». Il envisageait même de modifier l'article 2 - selon lequel « l'Etat ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » - pour financer des lieux de culte sur fonds publics. Sentant que cela ne passerait pas, il s'est vite rabattu sur une solution plus discrète : décloisonner les associations de type 1905 et de type 1901 pour pouvoir financer le religieux via le culturel. Une suggestion du président de la Fédération protestante, retenue par la commission Machelon mise en place par Nicolas Sarkozy, et que Michèle Alliot-Marie promet d'appliquer en pleine remontée des intégrismes.

Officiellement, il s'agit d'aider l'islam à rattraper son retard. L'argument séduit même à gauche. Les mêmes n'accepteraient jamais que l'on touche à la laïcité pour financer le culte chrétien ou juif, mais si c'est pour l'islam... Mais de quel retard nous parle-t-on ? Si les fidèles sont nombreux et manquent d'un lieu de culte, ne peuvent-ils pas se cotiser ? Bien sûr que si, et c'est ce qu'ils font. D'après les chiffres du bureau des cultes du ministère de l'intérieur, le retard est pratiquement rattrapé. L'islam des caves n'est plus qu'un fantasme. Sur les 30 caves recensées par les services de renseignements, la plupart ont été remplacées par des salles de prières officielles, passées de 1 555 à 2 000 entre 2001 et 2006. Soit presque autant que le nombre de lieux de culte évangéliques, en pleine explosion avec 1 800 lieux recensés. Alors que 3 % des Français sont musulmans et 2 % protestants, il s'ouvre chaque année en moyenne 34 lieux évangéliques et 16 mosquées.

Jamais, depuis un siècle, la France n'avait connu une telle frénésie dans la construction de lieux de culte. Il en pousse un par semaine, souvent avec l'aide des élus locaux, de gauche ou de droite, désireux d'entretenir les clientèles religieuses. C'est dire si le dynamisme actuel devrait bien vite combler les besoins des musulmans français, dont un tiers seulement se déclarent « croyants et pratiquants », et dont seule une petite minorité va à la mosquée.

L'Etat a-t-il tellement d'argent à dépenser qu'il faille le consacrer à encourager cet islam collectif, souvent politique, au détriment de l'islam individuel ? Cet argent, nous dit-on, permettrait de mieux contrôler l'islam radical. Rien n'est plus illusoire. Les mosquées radicales, comme celles de l'UOIF - une organisation inspirée par les Frères musulmans légitimée par Nicolas Sarkozy au sein du Conseil français du culte musulman -, ont déjà leurs mécènes et déclinent l'offre d'une aide de l'Etat assortie d'un contrôle. D'ailleurs, à moins de revenir à un système concordataire, comment l'Etat pourrait-il contrôler le contenu d'un prêche ? Et de quel droit ?

Le seul moyen de protéger l'islam contre les influences étrangères et intégristes serait d'obliger tous les fonds destinés au cultuel à passer par la Fondation pour les oeuvres de l'islam, imaginée sous Dominique de Villepin. Et de l'étendre à tous les cultes par souci d'équité. Un comité de sages, républicains et laïques, se chargerait de redistribuer l'argent ainsi collecté. Autrement dit, il ne faut pas assouplir l'esprit de 1905, mais le durcir.

Au lieu de financer le retour du religieux, on pourrait surtout consacrer cet argent au social et au culturel. Par exemple en vue de réduire le nombre d'élèves par classe dans les quartiers populaires. Mais ce n'est pas la priorité de notre président, pour qui un instituteur ne remplacera jamais un prêtre ou un pasteur. A l'entendre, le plus grand mal dont souffrent les banlieues serait d'être devenues des « déserts spirituels ». Sachant que l '« espérance » passe à ses yeux par le religieux, le nouveau nom du plan banlieue - baptisé « Espoir banlieue » - a de quoi inquiéter.

Mais que l'on ne s'y trompe pas : la volonté de décloisonner le cultuel et le culturel servira surtout le christianisme. En particulier le renouveau évangélique à tendance sectaire, que Nicolas Sarkozy juge « évidemment positif » et sur lequel il mise ouvertement pour reconquérir les banlieues. Toujours dans ce fameux livre, il consacre un chapitre entier à la reconnaissance des « nouveaux mouvements spirituels », du nom donné aux Etats-Unis à ce que nous appelons en France des sectes. On pense à des mouvements comme les Témoins de Jéhovah ou la Scientologie, incroyablement chouchoutés lorsque Nicolas Sarkozy était ministre de l'intérieur. Michèle Alliot-Marie annonce vouloir revoir « les qualifications pénales » envers les « dérives sectaires ». Pour les assouplir, bien sûr. La « laïcité positive », c'est-à-dire à l'anglo-saxonne, n'a pas fini de nous surprendre.

(publié par le journal Le Monde 8 février 2008)

vendredi 8 février 2008

Sarko, le pape et Carla, par Vincent Présumey

Désolés, chers lecteurs. Ce titre pourrait vous promettre du croustillant, au moins qu'on se foute un peu de leur gueule à ces profiteurs peu reluisants. Mais il ne s'agit ici que de colère.
Car ce que Sarkozy est allé raconter sous le nez du pape est d'un niveau de gravité au moins égal à celui de ses déclarations de campagne électorale sur le caractère "génétique" de la pédophilie et du suicide des ados. Quelques extraits commentés seront utiles.

Notons d'abord, mais on le savait déjà, que Nicolas Sarkozy est un ignorant : « C'est par le baptême de Clovis que la France est devenue Fille aînée de l'Eglise. Les faits sont là (sic !!!). En faisant de Clovis le premier souverain chrétien, cet événement a eu des conséquences importantes sur le destin de la France et sur la christianisation de l'Europe. A de multiples reprises, ensuite tout au long de son histoire, les souverains français ont eu l'occasion de manifester la profondeur de l'attachement qui les liait à l'Eglise et aux successeurs de Pierre. Ce fut le cas de la conquête par Pépin le Bref des premiers Etats pontificaux ou de la création auprès du Pape de notre plus ancienne représentation diplomatique. »

Tout professeur ou étudiant d'histoire médiévale sursautera devant ce condensé de sottises. La France n'est pas née avec Clovis, chef flamand qui, pour prendre l'Aquitaine aux Wisigoths, s'est allié aux évêques catholiques et à la vieille noblesse foncière gallo-romaine également devenue catholique. Le mythe de la France "fille aînée de l'église", auquel Clovis n'avait pas pensé, s'est formé bien plus tard sous les monarques capétiens, surtout sous Louis XIV qui voulait faire du catholicisme la religion obligatoire et expulsa pour cela, tortura, envoya aux galères les protestants. Pépin le Bref, à propos duquel il circule que Sarkozy le court aurait commis le lapsus Pétain le Bref, n'était pas plus un roi "français" que Clovis, la France n'existant toujours pas au VIII° siècle. Il mena à bien une opération de brigandage par laquelle il attribua au pape la bande de territoires qui devait être ensuite le malheur de l'Italie sous le nom d' "Etats pontificaux", jusqu'en 1870, composés des derniers morceaux de l'empire byzantin que n'avaient pas pris les Lombards, et dont le pape avait pris le contrôle : comme l'empereur d'Orient ne pouvait plus le protéger il a fait appel aux Francs en inventant l'idée de reconstruire un empire d'Occident, une invention chrétienne aux conséquences elles aussi très graves dans l'histoire de l'Europe. Quant à cette histoire de représentation diplomatique, c'est tout simplement n'importe quoi. Il n'y connaît rien, il raconte n'importe quoi (ce qui n'est pas le cas, notons-le, du vieux renard Ratzinger, qui s'y connaît, lui, en histoire canonique).

Un peu plus loin Sarkozy cite soudain le philosophe grec Héraclite : Si l'on n'espère pas l'inespérable, on le reconnaîtra pas. (Il s'agit en fait d'une mauvaise traduction d'un fragment d'Héraclite rapporté par Clément d'Alexandrie). Outre que ceci en dehors de tout contexte ne veut strictement rien dire -et les mouvements de mentons ne changent rien à la nullité de la pensée-, les bonnes âmes pourront se dire "mais où va-t-il chercher tout ça ? ". Tout ça, c'est du toc ; Héraclite pour ce que l'on en connaît est un penseur dialectique, qui met en valeur les oppositions, le choc des contraires et le combat. Rien à voir avec cette eau de sacristie insipide et inculte.

Ceci établi, passons au plat de résistance : « Les racines de la France sont essentiellement chrétiennes. (...) Tout autant que le baptême de Clovis, la laïcité est également un fait incontournable dans notre pays. Je sais les souffrances que sa mise en oeuvre a provoquées en France chez les catholiques, chez les prêtres, dans les congrégations, avant [la mise en oeuvre de la loi avant son adoption ? Sarkozy croit que cela se passait comme avec lui ! Passons ...] comme après 1905. Je sais que l'interprétation de la loi de 1905 comme un texte de liberté, de tolérance, de neutralité est en partie une reconstruction rétrospective du passé. C'est surtout par leur sacrifice dans les tranchées de la Grande guerre, par le partage des souffrances de leurs concitoyens, que les prêtres et les religieux de France ont désarmé l'anticléricalisme ; et c'est leur intelligence commune qui a permis à la France et au Saint-Siège de dépasser leurs querelles et de rétablir leurs relations. »

En clair, cela veut dire que la loi de 1905, séparant les églises et l'Etat, garantissant le caractère privé de la religion -une notion totalement absente du discours de Sarkozy, et pour cause- n'était pas une loi de liberté, ne garantissait pas la paix civile, agressait injustement les malheureux catholiques ; et que les choses ont finalement bien tourné parce qu'il y a eu l'union sacrée dans le carnage patriotique de 1914-1918, vrai acte fondateur, à l'encontre de la loi de 1905, de la "laïcité positive" à la sauce Sarko, et que les prêtres ont fait preuve d'intelligence contre le satanique et liberticide anticléricalisme. La laïcité, explique donc Sarkozy, est "devenue une condition de la paix civile", ce qu'elle n'était donc pas au départ. Pas faux : elle a été dévoyée dans l'union sacrée pour la défense de l'ordre établi. Car en effet la laïcité de 1905 (la seule laïcité véritable, qui ne privilégie pas les religions), est pour Sarkozy fondamentalement mauvaise, car elle veut nier le "baptême de Clovis" : « Elle n'a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes. Elle a voulu le faire. Elle n'aurait pas dû ». C'est le même reproche que Franco faisait à la République espagnole. Soulignons ce passage :
« Arracher la racine, c'est perdre la signification, c'est affaiblir le ciment de l'identité nationale, et dessécher davantage encore les rapports sociaux qui ont tant besoin de symboles de mémoire. »
Par la métaphore de la "racine", l'imagerie saint-sulpicienne qui se veut "spirituelle" tend la main à une autre imagerie, celle de la "terre et les morts" de Maurice Barrès, penseur nationaliste des années 1900, en allemand le Blut und Boden (le sang et le sol) de sinistre mémoire. Sans qu'il y ait équivalence entre les deux systèmes de représentations, il y a des passerelles. On remarquera que le thème de l' "identité nationale", appellation d'un ministère et d'un ministres désormais célèbres, se situe bien à la charnière de ces deux sphères idéologiques -celle de l'intégrisme chrétien et celle du racisme ethnique. N. Sarkozy était d'ailleurs accompagné devant Ratzinger du polygraphe français Max Gallo, que l'on peut de plus en plus considérer comme un sous-produit de Maurice Barrés.

Les militants laïques doivent méditer particulièrement cette interprétation sarkozyste des évènements récents : « le peuple français a été aussi ardent pour défendre la liberté scolaire que pour souhaiter l'interdiction des signes ostentatoires à l'école ». Sont ici mis sur le même plan la défense de la soi-disant "liberté de l'enseignement"', c'est à dire le détournement de nos impôts pour payer des écoles contrôlées par l'Eglise catholique essentiellement, et la loi sur les signes religieux à l'école, interdisant de fait avant tout le voile musulman, et accessoirement les kippas et les trop grandes croix. Sarkozy a ici raison, non en ce qui concerne l' "ardeur" du peuple, mais le contenu de la loi chiraquienne : la loi de 1905 par elle-même suffisait à proscrire les signes ostentatoires et permettait un combat éclairé et non discriminatoire contre le voile, alors que la loi de 2003 et le rapport Stasi sur laquelle elle se fonde ont pour base la volonté de faire cohabiter les différentes "communautés" dans une école conçue comme celle de "toutes les religions" (voir la Lettre de Liaisons de janvier 2004, consultable sur le site des archives de Liaisons).

Mais le pire est un peu plus bas. Après avoir affirmé qu'il ne voulait pas abroger la loi de 1905, Sarkozy se livre à une attaque en règle contre son application :
« Qu'il me soit également permis de rappeler les critiques virulentes dont j'ai été l'objet au moment de la création du Conseil français du culte musulman. Aujourd'hui encore, la République maintient les congrégations sous une forme de tutelle, refuse de reconnaître un caractère cultuel à l'action caritative ou aux moyens de communication des Eglises, répugne à reconnaître la valeur des diplômes délivrés dans les établissements d'enseignement supérieur catholique alors que la Convention de Bologne le prévoit, n'accorde aucune valeur aux diplômes de théologie. »
Il faut donc libérer les congrégations de tout contrôle, en leur permettant notamment, ajouterons-nous, de pomper encore plus de subventions publiques ; reconnaître le caractère cultuel des actions caritatives, ce qui mène très loin contre la santé publique et dans les quartiers, et faire des diplômes catholiques des diplômes d'Etat, permettant l'embauche de fonctionnaires agréés en tant que tels par les autorités cléricales. Voila la "laïcité positive" ! A part ça, on dit qu'on ne remet pas en cause la loi de 1905 ...

Le tout est complété par une attaque contre toutes les morales et éthiques non religieuses, républicaines, sociales, etc. -en fait contre tous les courants républicains et libéraux puis révolutionnaires et socialistes qui, depuis 1789, se sont affirmés contre la prééminence de la religion. Pompant cette fois ci sur la prose d'un Régis Debray, Sarkozy explique que la morale de l'incroyant est plus faible que celle du croyant. Oh certes, il le dit d'abord avec les subtilités jésuitiques et universitaires de ceux qui ont écrit son discours : « Même celui qui affirme ne pas croire ne peut soutenir en même temps qu'il ne s'interroge pas sur l'essentiel. Le fait spirituel, c'est la tendance naturelle de tous les hommes à rechercher une transcendance. Le fait religieux, c'est la réponse des religions à cette aspiration fondamentale. » Grossièreté et jésuitisme se conjuguent ici : évidemment l'incroyant s'interroge lui aussi (peut-être même, bien souvent, un peu plus !) sur "l'essentiel", et il peut revendiquer une "spiritualité" qui ne saurait toutefois équivaloir à cette "recherche de la transcendance" qui, dans la bouche de la médiocrité qui nous gouverne, ne veut rien dire du tout si ce n'est "agenouille toi devant ce qui te dépasse et reconnaît que cela t'échappera toujours". Si la "transcendance" c'est ça, non merci. Or, ajoute padre Sarko : « ... la morale laïque risque toujours de s'épuiser ou de se changer en fanatisme quand elle n'est pas adossée à une espérance qui comble l'aspiration à l'infini ». C'est la thèse de Ratzinger dans sa dernière encyclique contre le matérialisme athée : en clair, pas de morale sans religion. Finalement, puisqu'il ne peut pas s'empêcher d'être grossier, il fallait aussi que Sarkozy le dise grossièrement :
« Dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé, même s'il est important qu'il s'en approche, parce qu'il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d'un engagement porté par l'espérance. »
L'instituteur ne vaut pas le curé, mais il doit s'en approcher le plus possible. Ite missa est. Nul doute que Sarkozy est ici à l'unisson de Ratzinger qui canonisait récemment les prêtres franquistes ayant mis en oeuvre le meurtre des institutrices et instituteurs laïques espagnols et catalans.

Reste la cerise finale : ne reculant devant rien, Sarkozy a expliqué aux ecclésiastiques présents que lui, président, comprenait les prêtres parce que leur vocation et les sacrifices qu'elle est censée impliquer sont au fond très proches. Il est permis de rire, naturellement, surtout quand on pense à l'ombre longiligne de Carla Bruni à laquelle tous ont du penser en matière de "sacrifices". Mais ces propos sont parfaitement en cohérence avec le contenu politique de tout le discours : l'institution présidentielle, comme son ancêtre directe l'institution monarchique, est un sacerdoce, une cléricature. A quand le sacre ? A quand la présidence de droit divin ?
En attendant, Sarkozy fixe une perspective de combat. Il a expliqué que sa République a lui a besoin de croyants, pas d'incroyants : « Bien sûr, ceux qui ne croient pas doivent être protégés de toute forme d'intolérance et de prosélytisme. Mais un homme qui croit, c'est un homme qui espère. Et l'intérêt de la République, c'est qu'il y ait beaucoup d'hommes et de femmes qui espèrent ». Vieille rengaine de l'Inquisition : qui ne croit pas n'espère pas, qui ne croit pas n'est pas un bon citoyen, espérez c'est-à-dire croyez ! D'ailleurs, « la France a besoin de catholiques convaincus qui ne craignent pas d'affirmer ce qu'ils sont et ce en quoi ils croient. La campagne électorale de 2007 a montré que les Français avaient envie de politique pour peu qu'on leur propose des idées, des projets, des ambitions. Ma conviction est qu'ils sont aussi en attente de spiritualité, de valeurs, d'espérance. »

Nous voila prévenus : la destruction du droit du travail ira de pair avec l'offensive contre-révolutionnaire catholique. Ce discours abominable a été tenu avec les trois invités du président venus voir le pape avec lui : un amuseur de beaufs, Bigard, représentant de l'idée qu'il se fait du "peuple" ("pipi ? hi hi hi ! Caca ? ha ha ha !" - Amen), Denis Gilbert, "curé des loubards", et Max Gallo, déjà cité. Le scatologue pour beaufs, le curé pour pauvres et l'allumé du bocal composaient ainsi une trinité résumant la "France de Sarko". Comme l'écrit La Croix : « Jamais un chef de l'Etat français n'avait si vigoureusement défendu l'héritage catholique de son pays ». La Croix est oublieuse de ses propres amours. Car le seul équivalent de tels discours, suivi d'actes, c'est le maréchal PETAIN.

Oui, mais, et Carla, dans tout ça ? On y vient. Qu'on le veuille ou non, l'affichage -à Disneyland- du président avec la dite Carla (Cécilia, Rachida, Carla, Fadela, Rama, Yasmina ... on va finir par le croire fétichiste des femmes en A) relève de la même politique. Quand la régression est en marche, elle doit concerner tous les domaines. Si le président, c'est le roi, alors les petites maîtresses du roi font partie du cirque présidentiel et ont une fonction politique. Au moins dans le registre du symbolique, il était triplement nécessaire que l'inconscient institutionnel de la V° République monarchique soit rassuré envers la virilité présidentielle, puisqu'il y avait eu :
1°) la peur sociale devant les cheminots et les jeunes,
2°) le sacrifice quasi sacerdotal du président devant son Altesse Khadafi comme rançon d'une politique afro-méditérranéenne de gangster,
3°) le divorce de la légitime.
Il était donc nécessaire, dans cette logique là, de faire savoir au bon peuple -celui que Bigard fait rire, d'une part, mais aussi celui des hauts fonctionnaires d'autorité dont la propre autorité est censée être une émanation de celle du chef suprême, comme l'aura des prêtres leur vient de leurs évêques qui le tiennent du pape- que la virilité du chef était encore en état de marche, compte tenu des batailles sociales qu'il lui falloir encore soutenir en 2008, car le plus dur reste à faire, ainsi qu'il le dit lui-même souventes fois ...

30 décembre 2007.

Sauvegardons la laïcité de la République, Appel national

Un nombre important d’organisations politiques, syndicales, associatives lancent un appel…

mardi 5 février 2008

Les organisations et personnalités signataires rappellent solennellement que, selon l’article 1er de la Constitution, la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Ces quatre termes indissociables définissent des principes qui s’imposent à tous, au premier rang desquels le Président de la République. Or, les déclarations récentes de Monsieur Sarkozy, mêlant ses convictions personnelles et sa fonction présidentielle, portent atteinte à la laïcité de la République.
La mise en cause de ce principe constitutionnel indispensable à la paix civile est inacceptable. Depuis 1905, grâce à la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat, la République assure à chaque citoyen la liberté de conscience, garantit sa liberté de croire ou de ne pas croire et de pratiquer le culte de son choix, de n’en pratiquer aucun ou de pouvoir en changer. Elle permet ainsi de vivre ensemble, dans le respect de chacun, quelles que soient ses origines, ses choix philosophiques ou ses convictions religieuses.
Dans notre République et notre société multiculturelle, la diversité doit être richesse et non source de conflit. Pour cela, la laïcité, assurant l’égalité en droit des citoyens dans le respect des lois de la République, permet à la fois l’expression du pluralisme des convictions et la recherche de valeurs communes pour construire une communauté de destin.
Dans un monde aujourd’hui global et de plus en plus complexe, où se multiplient les voies d’accès à l’information et aux connaissances, et où explose la médiatisation des événements et de la pluralité des représentations du monde, seule la laïcité permet l’émancipation de tous en favorisant le libre accès au savoir et à la culture et le discernement de chacun pour un libre choix de vie, par une démarche rationnelle et critique faisant toute leur place au doute, à l’imagination et à la créativité.
C’est pourquoi, les organisations et personnalités signataires s’opposeront à toute tentative qui mettrait, de fait, en cause la laïcité par une modification du contenu de la loi de 1905. A l’heure où nos concitoyens éprouvent des difficultés et des inquiétudes croissantes, elles les appellent à promouvoir la laïcité comme une exigence partagée avec la ferme volonté de bâtir ensemble une société où la justice sociale assurera, quotidiennement, pour toutes et pour tous, la liberté, l’égalité et la fraternité.

(Vous trouverez tous les détails sur le site suivant)

Analyse et Réplique, par Jean Luc Mélenchon


La lettre d'information du sénateur, n°33 - Janvier 2008 Politique


Le président de la République s’est exprimé le 20 décembre 2007 au Vatican pour présenter une nouvelle définition de la laïcité en France. Ce discours a soulevé une grande émotion. Il a donné lieu à interpellations du gouvernement par l’opposition dans les deux assemblées. J’ai été invité à présenter une analyse du discours présidentiel le 22 janvier 2008 devant le Grand Orient de France. Je publie ici le texte de la conférence que j’ai prononcée.

Sommaire

I/ Le discours de Latran

Un manifeste global 3
Une relecture orientée de l’Histoire de France 4
Une lecture cléricale de la Loi de 1905 8
Une amnistie de l’intolérance cléricale 10
La haine des Lumières 12

II/ Laïcité et choc des civilisations

Le choc des civilisations 14
Le monde post idéologique selon Nicolas Sarkozy 15

III/ Lever le verrou de la laïcité républicaine

Un discours pour l’actualité 18
Reconfessionaliser la société 19

IV/ La laïcité républicaine en danger

L’ancrage intime du fait religieux 23
La question du sens de la vie chez Nicolas Sarkozy 25
La « laïcité positive » 26

V/ Un projet concret de remise en cause de la Loi de 1905

Le rapport Machelon 29
Un moment de vérité 30

Texte intégral au format pdf sur le site suivant:

http://pagesperso-orange.fr/rduguet/laicite/replique_discours_latran.pdf

Déclaration du mouvement Europe et Laïcité

LA LAÏCITÉ DE LA RÉPUBLIQUE FACE AU PRÉSIDENT SARKOZY

Texte voté à l’unanimité le 2 février 2008
par le Conseil d’Administration du M.E.L.

Le Mouvement Europe et Laïcité, cosignataire de l’appel commun des 25 organisations laïques s’élevant contre les propos du Président SARKOZY à propos de la Laïcité, souligne la dangerosité des arrière-pensées et des intentions politiciennes de leur auteur à ce sujet, contrairement à ses obligations constitutionnelles de neutralité philosophique.

En effet, M. SARKOZY va être bientôt Président pour six mois du Conseil de l’Union européenne ; à ce titre, il est à redouter qu’il aggrave les dispositions anti-laïques du dangereux Traité de Lisbonne, et qu’il favorise la cléricalisation des instances européennes en cours de gestation.

Par ailleurs, M. SARKOZY et son entourage politique, dans leurs projets de réforme constitutionnelle de la République Française, se sont déclarés à plusieurs reprises partisans d’une sécularisation des influences religieuses dans le vécu institutionnel de la France, ainsi que le prévoient les néfastes dispositions du rapport Machelon que le président de la République a pris en compte pour porter atteinte à la laïcité institutionnelle.

En toutes ces occasions et sur ces différents plans, le président actuel de la République fait courir les plus grands dangers à la laïcité constitutionnelle de la France.

Le Mouvement Europe et Laïcité en appelle à l’opinion publique pour que celle-ci exprime son refus d’une telle entreprise rétrograde, antidémocratique et antirépublicaine.

Sarkozy ouvre un boulevard au fondamentalisme catholique, par Robert Duguet

Une discussion contradictoire est publiée dans le Figaro Magazine de la semaine du 26 janvier entre le Grand Maître du Grand Orient de France, Jean Michel Quillardet et Philippe Verdin, dominicain et auteur d’un livre d’entretiens avec Nicolas Sarkozy : « La République, les religions, l’espérance » aux éditions du Cerf (2004). Son contenu est pour le moins édifiant quant à la volonté de Sarkozy, s’appuyant sur la position antirépublicaine de responsables de l’ Eglise romaine, d’aller vers la remise en cause de l’article 2 de la lois de séparation des églises et de l’Etat de 1905 :
« La République ne salarie et ne subventionne aucun culte… »

Citons les propos du Grand Maître du Grand Orient :
« C’est la première fois dans l’histoire de la Vème République qu’un chef d’Etat va aussi loin dans la manifestation de sa foi, mais surtout dans la reconnaissance qu’il accorde au fait religieux. Le général De Gaulle, dont tout le monde se rappelle la foi pratiquante, a toujours gardé de la réserve dans ses propos, s’abstenant de communier ou de se signer lors de manifestations officielles. Nous assistons donc avec inquiétude à une nouvelle formulation des rapports entre la République et la religion… »
Et plus loin :
« On sent bien derrière de projet politique une idéologie américaine – ou tocquevilienne – visant à investir la religion d’une mission de lien social. Débarrassée de toute conception théologique, métaphysique, la religion que nous propose le président de la République est un nouvel opium du peuple, avec pour fonction la paix publique, notamment dans certains quartiers en difficulté… »

En amendant le cœur de la loi de 1905, à savoir son article 2, qui a par ailleurs été détournée par certaines collectivités locales, et pas forcément de droite, Sarkozy fera passer les associations cultuelles, gérant les biens immobiliers du clergé, et non habilitées à recevoir des subventions publiques, sous le régime général des associations sous régime de la loi de 1901, habilitées en revanche à recevoir des fonds publics. Et le tour sera joué… une loi de concorde civile qui a fait largement ses preuves depuis un siècle à séparer la sphère de la citoyenneté de celle de la vie privée, à laquelle la religion est renvoyée, notamment la théocratie catholique, sera détruite en son cœur.

Venons en maintenant aux motivations profondes d’un représentant de l’Eglise, le dominicain Verdin :
« Le président de la République présente les deux grands défis du XXIème siècle auxquels le pays doit faire face. L’un est de survie : le réchauffement de la planète. L’autre c’est le retour du religieux. Que cela ne plaise pas aux Francs Maçons, c’est un fait. L’une des passions de Jean Paul II comme de Benoît XVI, est l’articulation de la foi et de la raison, dans la tradition de Saint Augustin. C’est cela le grand défi. Beaucoup de français qui n’ont pas obligatoirement grandi dans une éducation chrétienne, juive ou musulmane, tout à coup y reviennent. Pourquoi ? Parce que l’interprétation de la philosophie des Lumières s’est épuisée…. »
Nous ajoutons au propos du dominicains, cette réalité politique que nous devons sans cesse rappeler, ces deux papes sont les premiers dignitaires de l'Eglise à être issus de l’Opus Dei.
Il ajoute :
« Une spiritualité sans Dieu ! Il faudra que vous m’expliquiez ce curieux concept. Quand vous dites que la religion est uniquement un « jardin secret », je le récuse. Elle concerne mille domaines de la vie sociale. En outre la laïcité à la française est spécifique. Nos voisins européens vivent très bien sans cette laïcité timorée. »

Arrêtons-nous un instant sur ce développement philosophique qui résume en quelques phrases un programme parait-il plus moderne que notre laïcité séculaire républicaine, mais lui totalement réactionnaire et bi-millénaire.

La référence de Philippe Verdin à Augustin n’a rien de hasardeux. A l'heure qu'il est plusieurs livres et des émissions de télévision viennent d’être consacrés à cette pensée fondatrice des pères de l’Eglise, celle de l’évêque d’Hippone. Avec son ouvrage principal « La Cité de Dieu » (412-427) Augustin (354-430) réalise une séparation absolue, et à ses yeux fondatrice, entre la cité terrestre et la cité céleste, ce qui n’a rien à voir avec un quelconque régime de séparation :
« Deux amours, écrit Augustin, ont donc bâti deux cités, celle de la terre par l’amour de soi même jusqu’au mépris de Dieu, celle du ciel par l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi. L’une se glorifie en elle-même, l’autre dans le seigneur… L’une dans la gloire redresse la tête, l’autre dit à son Dieu : « Tu es ma gloire et tu élèves ma tête. »
Tout l’effort d’Augustin va consister à dévaloriser les « devoirs envers la cité terrestre » et plus généralement tout ce qui relève « d’une vie temporelle » qu’il convient de regarder avec mépris, afin d’arracher les hommes à la cité profane et de les convaincre de réorienter toute leur existence sur les finalités de « la cité céleste ».
La pensée d’Augustin, au moment de la dislocation de l’Empire romain, est un ouvrage militant qui engage l’église chrétienne dans la conquête du pouvoir politique. C’est une réaction et un refus de toute sécularisation de la vie politique : on sait que l’église s’opposera fermement à l’affranchissement des esclaves et qu’elle combattra l’héritage de la cité grecque au sein de l’empire romain. Tout l’effort d’Augustin, préparant la domination politique du Christianisme, consiste à s’opposer frontalement à l’idée grecque que le royaume de l’homme est de ce monde, que la philosophie enseigne à y trouver sa place de citoyen du monde (kosmopolites, en grec) en participant à la gestion éclairée de la cité.

Verdin refuse le statu que la loi de 1905 donne à toute religion, celui d’une affaire privée, « un jardin secret », où l’Etat n’a pas à intervenir. En refusant cette conception républicaine, Verdin introduit le point de vue inverse, celui des Pères de l’Eglise et d’Augustin, à savoir que l’Etat intervient à nouveau dans les affaires de liberté de conscience. L’indifférence religieuse, le scepticisme, et l’athéisme sont l’expression d’une perversité morale absolue qu’il faut combattre. C’est exactement ce que nous dit le dominicain Philippe Verdin, 1600 ans après Augustin, lorsqu’il dit qu’il ne peut y avoir de spiritualité sans Dieu.

Ainsi la boite de pandore ouverte par Sarkozy en allant se prosterner devant le pape, se pavaner avec le titre de chanoine du Latran et remettre en cause les fondements de la laïcité républicain, donne à la hiérarchie catholique l'occasion de nous resservir les plats faisandés de ses positions fondamentalistes et réactionnaires.

Robert Duguet.

jeudi 7 février 2008

Monseigneur Sarkozy chanoine de Saint Jean du Latran, par Robert Duguet

La visite de Sarkozy chez Benoît XVI et les prises de position qu’il a développé à cette occasion ont fait rejaillir le débat sur la laïcité : beaucoup de responsables politiques ou associatifs se sont offusqués des positions philosophiques prises par l’intéressé, alors même qu’il est sensé agir en tant que président de la république française. Dernièrement le grand maître du Grand Orient de France vient de rappeler les valeurs de citoyenneté contenue dans les lois laïques et dans la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905.

Dans son discours au pape Benoit XVI, il ne parle pas au nom de tous les français, mais à partir d’une vision catholique très traditionaliste qu’il assume comme la sienne et celle de l’Etat français. Il faut d’ailleurs ici utiliser davantage l’expression d’Etat français, en référence à l’esprit du régime de Vichy, plutôt que celui de république française. Il ne tient aucun compte des apports intellectuels de ceux et celles qui, athées, ou agnostiques, ou protestants ont contribué à construire le socle d’une république laïque. Il dit que l’aspiration spirituelle qui est au cœur de tout homme ne trouve sa réalisation que dans la religion. Il part d’une conception catholique qu’il présente comme celle de la France éternelle. Il met en cause la fonction élective, qui ne relève pas d’une vocation, à l’image de la vocation sacerdotale, mais de l’exercice d’un mandat reçu du peuple par le suffrage universel. Il est allé jusqu’à dire aux représentants de la théocratie catholique :
«Sachez que nous avons au moins une chose en commun, c’est la vocation. On n’est pas prêtre à moitié on l’est dans toutes les dimensions de sa vie, croyez bien qu’on n’est pas Président de la République à moitié, je comprends les sacrifices que vous faites pour répondre à votre vocation parce que moi même, je sais ce que j’ai fait pour réaliser à la mienne».
On ne peut qu’ajouter la phrase de Pétain :
« Je fais à la France le don de ma personne ».
Et il poursuit :
« comme Benoit XVI je considère qu’une nation qui ignore l’héritage éthique religieux spirituel de son histoire commet un crime »,
ou encore :
« je partage l’avis du pape quand il considère que l’espérance est une des questions les plus importantes de notre histoire »
Il plaint l’Eglise d’avoir eu à souffrir de la mise en œuvre des lois de séparation des églises et de l’Etat de 1905, loi dont il devrait être par ailleurs le garant. Il dit :
« Je sais les souffrances que sa mise en œuvre a provoqué en France en France chez les catholiques, les prêtres, dans les congrégations, avant comme après 1905. »
Il compatit au cénobitisme des séminaristes en disant :
« Je sais que votre quotidien est ou sera parfois traversé par le découragement ou la solitude. Je sais aussi que la qualité de votre formation, la fidélité aux sacrements, la lecture de la Bible et de la prière vous permettent de surmonter ces épreuves… »
Tous les gouvernements de la Vème République, que les majorités aient été à gauche comme à droite, ont mis à mal la laïcité. Ceci est contenu dans l’essence du bonapartisme gaulliste et des institutions qui le prolonge ; d’emblée la loi Debré établit le financement public des écoles confessionnelles catholiques. On peut se souvenir de la loi Savary, du protocole Lang-Cloupet pour la gauche, de la remise en cause de la loi Falloux sous la droite qui avait mis 1 million de manifestants dans la rue contre un certain ministre qui s’appelait François Bayrou… Mais aucun président de la 5ème République ne s’était livré, vautré pourrait-on dire dans un tel mélange des genres. Même De Gaulle qui était catholique pratiquant refusait de donner en tant que chef d’Etat un signe ostentatoire d’adhésion à un credo en communiant en public.

Pour les enseignants de l’école publique il a cette délicatesse :
« Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance. »
Sarkozy a la conception classique des bonapartistes : la religion concourt à la cohésion sociale. C’est Le Pen en plus soft, lequel voulait faire du Front National le grand parti de la droite catholique. C’est Maurras qui ne croyait ni à Dieu ni à diable, mais qui voyait dans l’église catholique un système hiérarchisé qui cimente l’unité du corps social où se réalise l’association capital-travail. Marx disait « une gendarmerie des conscience » qui enseigne aux pauvres qu’ils doivent renoncer aux biens matériels dans ce monde, puisqu’ils auront compensation dans l’autre.

Quant au titre de chanoine du Latran, il était considéré par ses prédécesseurs à la présidence de la république comme insignifiant. C’est une distinction ecclésiale que les présidents, y compris De Gaulle, recevaient avec politesse et indifférence. Sauf le président Pompidou, rappelons qu’il fut avant-guerre instituteur laïque et militant socialiste, après son élection il avait refusé ce titre. Sarkozy lui a joué le jeu d’un véritable adoubement en se rendant au sein du chapitre de Saint Jean du Latran, reçu par le cardinal Vicaire de Rome, pour être intronisé comme chanoine… honteux ! La France fille aînée de l’Eglise, c’est le retour à l’ancien régime et au-delà de la question du respect de la loi de 1905, la remise en cause de la grande révolution française qui avait rompu les liens du trône et de l’autel.

A cela s’ajoute un élément lié à l’évolution de l’Eglise catholique, qui amène des secteurs de la gauche chrétienne, comme par exemple la revue progressiste Golias, à dénoncer la prise en main par l’Opus Dei de la hiérarchie romaine. Jean Paul 2 fut le premier pape, membre de cette organisation occulte, après la disparition pour le moins trouble de son prédecesseur Jean Paul 1er au bout de trois semaines de pontificat. Benoît 16 est le deuxième. Qu’est ce que l’Opus Dei ? Une organisation parallèle, dite séculière de l’Eglise, née sous l’instigation du prêtre franquiste Escriva de Balaguer, béatifié par Jean Paul 2 lui-même, dont la mission consiste à recruter dans les appareils d’Etat des membres influents au compte de l’Eglise. Escriva de Balaguer avait détourné des sommes considérables appartenant à l’Etat espagnol. On sait qu’en France des représentants influents de la bourgeoisie étaient ou sont membres de l’Opus Dei : Raymond Barre en faisait partie ; la famille Giscard d’Estaing ; l’actuelle ministre du logement madame Boutin… et d’autres. C’est dans cette église là, où Sarkozy entre en qualité de chanoine.
Gauche laïque où es-tu ? Jusqu’où va-t-on le laisser faire ?