jeudi 7 février 2008

Monseigneur Sarkozy chanoine de Saint Jean du Latran, par Robert Duguet

La visite de Sarkozy chez Benoît XVI et les prises de position qu’il a développé à cette occasion ont fait rejaillir le débat sur la laïcité : beaucoup de responsables politiques ou associatifs se sont offusqués des positions philosophiques prises par l’intéressé, alors même qu’il est sensé agir en tant que président de la république française. Dernièrement le grand maître du Grand Orient de France vient de rappeler les valeurs de citoyenneté contenue dans les lois laïques et dans la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905.

Dans son discours au pape Benoit XVI, il ne parle pas au nom de tous les français, mais à partir d’une vision catholique très traditionaliste qu’il assume comme la sienne et celle de l’Etat français. Il faut d’ailleurs ici utiliser davantage l’expression d’Etat français, en référence à l’esprit du régime de Vichy, plutôt que celui de république française. Il ne tient aucun compte des apports intellectuels de ceux et celles qui, athées, ou agnostiques, ou protestants ont contribué à construire le socle d’une république laïque. Il dit que l’aspiration spirituelle qui est au cœur de tout homme ne trouve sa réalisation que dans la religion. Il part d’une conception catholique qu’il présente comme celle de la France éternelle. Il met en cause la fonction élective, qui ne relève pas d’une vocation, à l’image de la vocation sacerdotale, mais de l’exercice d’un mandat reçu du peuple par le suffrage universel. Il est allé jusqu’à dire aux représentants de la théocratie catholique :
«Sachez que nous avons au moins une chose en commun, c’est la vocation. On n’est pas prêtre à moitié on l’est dans toutes les dimensions de sa vie, croyez bien qu’on n’est pas Président de la République à moitié, je comprends les sacrifices que vous faites pour répondre à votre vocation parce que moi même, je sais ce que j’ai fait pour réaliser à la mienne».
On ne peut qu’ajouter la phrase de Pétain :
« Je fais à la France le don de ma personne ».
Et il poursuit :
« comme Benoit XVI je considère qu’une nation qui ignore l’héritage éthique religieux spirituel de son histoire commet un crime »,
ou encore :
« je partage l’avis du pape quand il considère que l’espérance est une des questions les plus importantes de notre histoire »
Il plaint l’Eglise d’avoir eu à souffrir de la mise en œuvre des lois de séparation des églises et de l’Etat de 1905, loi dont il devrait être par ailleurs le garant. Il dit :
« Je sais les souffrances que sa mise en œuvre a provoqué en France en France chez les catholiques, les prêtres, dans les congrégations, avant comme après 1905. »
Il compatit au cénobitisme des séminaristes en disant :
« Je sais que votre quotidien est ou sera parfois traversé par le découragement ou la solitude. Je sais aussi que la qualité de votre formation, la fidélité aux sacrements, la lecture de la Bible et de la prière vous permettent de surmonter ces épreuves… »
Tous les gouvernements de la Vème République, que les majorités aient été à gauche comme à droite, ont mis à mal la laïcité. Ceci est contenu dans l’essence du bonapartisme gaulliste et des institutions qui le prolonge ; d’emblée la loi Debré établit le financement public des écoles confessionnelles catholiques. On peut se souvenir de la loi Savary, du protocole Lang-Cloupet pour la gauche, de la remise en cause de la loi Falloux sous la droite qui avait mis 1 million de manifestants dans la rue contre un certain ministre qui s’appelait François Bayrou… Mais aucun président de la 5ème République ne s’était livré, vautré pourrait-on dire dans un tel mélange des genres. Même De Gaulle qui était catholique pratiquant refusait de donner en tant que chef d’Etat un signe ostentatoire d’adhésion à un credo en communiant en public.

Pour les enseignants de l’école publique il a cette délicatesse :
« Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance. »
Sarkozy a la conception classique des bonapartistes : la religion concourt à la cohésion sociale. C’est Le Pen en plus soft, lequel voulait faire du Front National le grand parti de la droite catholique. C’est Maurras qui ne croyait ni à Dieu ni à diable, mais qui voyait dans l’église catholique un système hiérarchisé qui cimente l’unité du corps social où se réalise l’association capital-travail. Marx disait « une gendarmerie des conscience » qui enseigne aux pauvres qu’ils doivent renoncer aux biens matériels dans ce monde, puisqu’ils auront compensation dans l’autre.

Quant au titre de chanoine du Latran, il était considéré par ses prédécesseurs à la présidence de la république comme insignifiant. C’est une distinction ecclésiale que les présidents, y compris De Gaulle, recevaient avec politesse et indifférence. Sauf le président Pompidou, rappelons qu’il fut avant-guerre instituteur laïque et militant socialiste, après son élection il avait refusé ce titre. Sarkozy lui a joué le jeu d’un véritable adoubement en se rendant au sein du chapitre de Saint Jean du Latran, reçu par le cardinal Vicaire de Rome, pour être intronisé comme chanoine… honteux ! La France fille aînée de l’Eglise, c’est le retour à l’ancien régime et au-delà de la question du respect de la loi de 1905, la remise en cause de la grande révolution française qui avait rompu les liens du trône et de l’autel.

A cela s’ajoute un élément lié à l’évolution de l’Eglise catholique, qui amène des secteurs de la gauche chrétienne, comme par exemple la revue progressiste Golias, à dénoncer la prise en main par l’Opus Dei de la hiérarchie romaine. Jean Paul 2 fut le premier pape, membre de cette organisation occulte, après la disparition pour le moins trouble de son prédecesseur Jean Paul 1er au bout de trois semaines de pontificat. Benoît 16 est le deuxième. Qu’est ce que l’Opus Dei ? Une organisation parallèle, dite séculière de l’Eglise, née sous l’instigation du prêtre franquiste Escriva de Balaguer, béatifié par Jean Paul 2 lui-même, dont la mission consiste à recruter dans les appareils d’Etat des membres influents au compte de l’Eglise. Escriva de Balaguer avait détourné des sommes considérables appartenant à l’Etat espagnol. On sait qu’en France des représentants influents de la bourgeoisie étaient ou sont membres de l’Opus Dei : Raymond Barre en faisait partie ; la famille Giscard d’Estaing ; l’actuelle ministre du logement madame Boutin… et d’autres. C’est dans cette église là, où Sarkozy entre en qualité de chanoine.
Gauche laïque où es-tu ? Jusqu’où va-t-on le laisser faire ?

1 commentaire:

liryk a dit…

Aucun commentaire depuis la parution le 7 Février 2008, c'est dire peut-être le peu d'intérêt de ce texte plein de haine laïcarde et d'erreurs historiques !

D'abord, un chanoine ne porte pas le titre de Monseigneur.

Ensuite, les lois de séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905 furent iniques. En plus de la spoliation des biens des communautés religieuses, l'expulsion des religieux comme les pères chartreux de la Grande Charteuse, qui représentaient certainement un grand danger pour la République, du fond de leurs montagnes et les violences faites aux églises dont les portes étaient forcées à coups de hache, voilà de beaux exemples de la tolérance de la République et de ses méthodes. Il est glorieux de s'en prendre aux congrégations et aux bonnes soeurs qui ne risquent pas de prendre les armes !
On sait depuis que l'anticléricalisme a été une manoeuvre de diversion du monde politique qui désirait consolider la République dans un pays attaché à la Monarchie. Les ministres de la République ne vivent-ils pas dans les palais des rois ?

Mais il ne suffit pas d'une loi de circonstance pour faire oublier que c'est le christianisme qui a fait la grandeur de la France, de la civilisation européenne aussi et qu'il est tout à fait artificiel d'imaginer une république laïque, comme si chaque citoyen devait ignorer toute vie spirituelle, qu'il soit catholique, protestant, juif, musulman ou libre penseur. Qui peut imposer ce concept artificiel de laïcité ou même une religion ? Longtemps la religion du Prince a été celle de ses sujets.

Ceci dit, je trouve trop de haine dans les allusions à Pétain et le Pen, qui ne sont pas appropriées d'ailleurs sinon destinées à salir.

Pour ne pas faire trop long, j'en viens au dernier paragraphe à propos de Golias et de l'Opus Dei.

Lorsqu'on désire écrire sur l'Opus Dei pour le critiquer, il faut se documenter sérieusement (son site existe sur le Net, ce qui est surprenant pour une organisation dite occulte !) et ne pas se fier à la revue Golias aussi peu digne de sérieux que les pages du Monde à ce sujet.

Moi je peux en parler avec plus d'assurance en ayant été membre surnuméraire (laÎc marié) pendant quinze ans. Si les journalistes mal informés ou sectaires se donnaient la peine de réfléchir un peu sur les usages de l'Eglise catholique (les informations ne manquent pas pourtant) ils sauraient que Josémaria Escriva de Balaguer n'aurait pas été béatifié puis canonisé si sa vie n'était devenue un modèle. Aussi, s'il avait été franquiste, voleur et magouilleur, en somme pas du tout un saint malgré l'expansion considérable de son oeuvre à travers le monde pour le plus grand bien, et de l'Eglise et de ses membres, on se demande comment le Vatican aurait pris le risque de le porter sur les autels. c'est ignorer les procès canoniques autrement plus sérieux que ceux des tribunaux en général.

Malheureusement les calomnies laissent toujours des traces dans les esprits, surtout mal informés. Il est en effet inacceptable à une époque où la désobéissance est presque devenue une vertu, qu'une organisation qui fait partie de la structure hiérarchique de l'Eglise (elle a un évêque à sa tête) ne soit pas un fidèle soutient des papes successifs et entièrement au service de l'Eglise et de ses membres par sa seule activité qui consiste en la formation spirituelle de ses membres.

On plaît toujours aux lecteurs en évoquant une organisation qui serait quasi secrète, pleine de mystères et de machinations, la vérité étant beaucoup plus simple.

Enfin, prétendre que feu Raymond Barre et des membres de la famille de Giscard, dit d'Estaing, en fasse partie, cela se veut insultant et c'est un bel exemple de l'intolérance laïcarde qui refuse à un citoyen de suivre une formation spirituelle et théologique.

Cela me fait penser aux glorieuses machinations du Grand Orient qui faisait ficher fin XIX° les officiers catholiques qui osaient aller à la messe, faire baptiser leurs enfants, etc...

Décidément les petits esprits et les ignorants sont plein de haine.

Adam von Liryk
6 I 2009